Histoire de Cambrai : chronologie complète

Deux millénaires d'histoire, des Romains à nos jours

Antiquité : Camaracum, cité gallo-romaine (Ier-Ve siècle)

Les origines de Cambrai remontent à l'époque gallo-romaine. Vers le Ier siècle après J.-C., une agglomération nommée Camaracum se développe au croisement de voies romaines reliant Bavay, Arras et Reims. Le nom pourrait dériver du celtique « camara » signifiant « courbure », en référence aux méandres de l'Escaut qui traverse la plaine.

Camaracum devient un modeste centre administratif et commercial de la province de Belgique Seconde. Les fouilles archéologiques ont révélé des vestiges de thermes, de villas et d'un aqueduc. La ville se fortifie au IIIe siècle face aux premières invasions germaniques. Des murailles de pierre et de brique protègent un noyau urbain d'environ 20 hectares. Au IVe siècle, Cambrai accueille un évêché, attestant de la christianisation précoce de la région. Saint Vaast et saint Géry figurent parmi les premiers évêques dont les noms sont parvenus jusqu'à nous.

Haut Moyen Âge : invasions et reconstruction (Ve-Xe siècle)

L'effondrement de l'Empire romain d'Occident au Ve siècle plonge Cambrai dans une période troublée. La ville est conquise successivement par les Francs saliens, puis intégrée au royaume mérovingien. Les évêques deviennent des figures centrales du pouvoir local, défendant la cité contre les pillages et assurant la continuité administrative.

Sous les Carolingiens (VIIIe-IXe siècle), Cambrai connaît un renouveau économique et religieux. Charlemagne y séjourne à plusieurs reprises et favorise l'établissement de monastères et d'écoles. Le traité de Verdun (843), qui partage l'empire carolingien, place Cambrai dans la Lotharingie, puis dans le Saint-Empire romain germanique. Cette appartenance impériale marquera durablement l'histoire de la ville, la distinguant des cités flamandes ou françaises voisines.

Les raids normands du IXe siècle ravagent la région. En 881, les Vikings remontent l'Escaut et pillent Cambrai, détruisant églises et abbayes. La reconstruction s'opère lentement au Xe siècle, autour de la cathédrale et du palais épiscopal.

Moyen Âge classique : l'âge d'or des évêques-princes (XIe-XIIIe siècle)

Entre le XIe et le XIIIe siècle, Cambrai atteint son apogée médiéval. Les évêques cumulent pouvoirs spirituel et temporel, gouvernant un territoire étendu : le Cambrésis. Ils frappent monnaie, lèvent des impôts et rendent la justice. Cette principauté ecclésiastique, indépendante du royaume de France, attire commerçants, artisans et lettrés.

Le commerce drapier fait la prospérité de la ville. Les toiles de lin de Cambrai, réputées pour leur finesse, s'exportent dans toute l'Europe. Les corporations de tisserands, de teinturiers et de foulons structurent la vie économique. La population dépasse les 10 000 habitants, chiffre considérable pour l'époque. De nouveaux quartiers s'étendent hors des murs, protégés par une seconde enceinte construite au XIIe siècle.

L'architecture religieuse se développe : la cathédrale Notre-Dame est reconstruite dans le style gothique, avec cinq nefs et deux tours monumentales. L'abbaye du Saint-Sépulcre, l'église Saint-Géry et de nombreuses chapelles embellissent la cité. Cambrai devient un foyer intellectuel : son école cathédrale forme clercs et notaires, et des manuscrits précieux y sont copiés et enluminés.

Les bourgeois de Cambrai tentent à plusieurs reprises d'obtenir davantage de libertés communales. Des révoltes éclatent en 1076-1077 et en 1227, réprimées par les évêques. Néanmoins, un beffroi est érigé au XVe siècle, symbole des franchises municipales conquises progressivement.

Bas Moyen Âge et Renaissance : entre Bourgogne, Espagne et France (XIVe-XVIe siècle)

Le XIVe siècle apporte son lot de crises : famines, épidémies de peste noire (1348-1349) et guerres entre seigneurs locaux. La population décline, l'économie drapière souffre de la concurrence flamande. Les évêques peinent à maintenir leur autorité face aux ambitions des ducs de Bourgogne et des rois de France.

En 1477, Cambrai passe sous la tutelle des Habsbourg d'Espagne par le jeu des héritages bourguignons. Charles Quint, empereur et roi d'Espagne, fait de la ville une place forte. Les fortifications médiévales sont modernisées avec bastions et citadelle. Cambrai se trouve au cœur des Pays-Bas espagnols, région disputée entre l'Espagne, la France et l'Empire.

Malgré les troubles, la Renaissance apporte un renouveau culturel. L'archevêque François de Créquy encourage les arts et les lettres. Des hôtels particuliers à façades sculptées témoignent de la richesse des familles patriciennes. La musique polyphonique s'épanouit : Cambrai devient un centre de composition et d'enseignement musical.

Les guerres de Religion déchirent la région au XVIe siècle. Cambrai, fidèle au catholicisme, échappe aux destructions huguenotes mais souffre des passages de troupes et des sièges répétés. En 1595, Henri IV de France tente sans succès de prendre la ville.

Rattachement à la France et Grand Siècle (XVIIe siècle)

Le XVIIe siècle marque un tournant décisif. Après la paix des Pyrénées (1659), Louis XIV convoite les places fortes du nord. En 1677, lors de la guerre de Hollande, le roi ordonne le siège de Cambrai. La ville capitule après quelques semaines de bombardement. Le traité de Nimègue (1678) entérine le rattachement définitif au royaume de France.

L'ingénieur Vauban modernise les fortifications, créant une ceinture de bastions, de demi-lunes et de fossés inondables. Cambrai devient l'une des places fortes du « Pré carré » protégeant Paris des invasions venues du nord. L'archevêque François Fénelon, nommé en 1695, marque profondément la ville. Auteur des Aventures de Télémaque et précepteur du duc de Bourgogne, il embellit le palais épiscopal, encourage l'éducation et vient en aide aux pauvres. Son influence intellectuelle rayonne dans toute l'Europe des Lumières.

Sur le plan économique, Cambrai se relève lentement. Les manufactures de dentelle, de toiles fines (la fameuse « batiste de Cambrai ») et de tapisseries prospèrent. Le commerce avec les Flandres et les Pays-Bas se développe malgré les barrières douanières.

Révolution et Empire : démolitions et transformations (1789-1815)

La Révolution française bouleverse profondément Cambrai. L'archevêché est supprimé en 1790. Les biens du clergé sont confisqués et vendus comme biens nationaux. La magnifique cathédrale gothique, joyau architectural, est démantelée pierre par pierre entre 1796 et 1809, un acte de vandalisme que les Cambrésiens déplorent encore aujourd'hui. Seuls quelques éléments sculptés sont sauvés et conservés au musée.

Les fortifications de Vauban, jugées moins stratégiques face aux nouvelles frontières de la France révolutionnaire, sont partiellement déclassées. Les glacis sont transformés en promenades publiques. L'hôpital général et l'hospice prennent la place des anciens couvents.

Sous l'Empire napoléonien, Cambrai retrouve un rôle administratif comme sous-préfecture du département du Nord. La ville fournit des soldats et des vivres aux armées impériales. La défaite de Waterloo (1815) ramène brièvement les troupes alliées dans la région, mais Cambrai est épargnée par les combats.

XIXe siècle : industrialisation et renaissance urbaine

Le XIXe siècle voit Cambrai se transformer en ville industrielle. L'industrie textile reste prédominante : filatures de coton, tissages et ateliers de broderie emploient des milliers d'ouvriers. La sucrerie, activité nouvelle, se développe grâce aux cultures de betterave dans les plaines environnantes. Les usines Crespel et Delisse deviennent des fleurons de l'agroalimentaire régional.

Le canal de Saint-Quentin, achevé en 1810 et élargi dans les années 1830-1840, relie l'Escaut à l'Oise et au bassin parisien. Le trafic fluvial facilite l'acheminement des matières premières et l'exportation des produits finis. En 1855, le chemin de fer arrive à Cambrai, accélérant encore l'intégration économique à l'échelle nationale.

L'urbanisme se modernise. La construction d'une nouvelle cathédrale néoclassique, Notre-Dame-de-Grâce, s'achève en 1703 mais est consacrée cathédrale seulement en 1841 après la suppression révolutionnaire. De larges boulevards remplacent les anciens remparts. Des places arborées, des fontaines et un jardin public (inauguré en 1852) embellissent la ville. Le théâtre municipal ouvre ses portes en 1842.

La vie culturelle et associative s'épanouit. Sociétés savantes, fanfares, chorales et cercles ouvriers animent les quartiers. En 1830, naît « par hasard » la Bêtise de Cambrai, confiserie devenue emblématique de la ville.

Socialement, Cambrai connaît les tensions propres aux villes industrielles : grèves ouvrières, revendications pour de meilleures conditions de travail, création de mutuelles et de coopératives. Les notables locaux, industriels et commerçants, dominent la vie politique municipale.

Première Guerre mondiale : occupation et bataille (1914-1918)

En août 1914, les troupes allemandes envahissent le nord de la France. Cambrai tombe le 26 août sans combat, la ville étant déclarée « ouverte » pour éviter les destructions. Commence alors une occupation éprouvante de plus de quatre ans. Les habitants subissent réquisitions, travail forcé et couvre-feu. Beaucoup sont déportés en Allemagne. L'économie est paralysée, les usines tournent pour l'effort de guerre allemand.

En novembre 1917, Cambrai devient le théâtre d'une bataille décisive. Les Britanniques lancent la première grande offensive utilisant massivement des chars d'assaut. Après des succès initiaux spectaculaires, les contre-attaques allemandes reprennent du terrain. La ville reste sous contrôle allemand jusqu'en octobre 1918.

La libération intervient le 9 octobre 1918, menée par les troupes canadiennes. Cambrai est en ruines : quartiers bombardés, pont détruit, usines saccagées. Le bilan humain est lourd : des centaines de civils morts, des milliers déplacés, sans compter les soldats tombés dans les campagnes alentour.

Pour en savoir plus, consultez notre page dédiée à la bataille de Cambrai.

Entre-deux-guerres : reconstruction et mémoire (1918-1939)

La reconstruction de Cambrai mobilise toute l'énergie des années 1920. Grâce aux dommages de guerre, immeubles, écoles et bâtiments publics sont relevés. L'architecte Pierre Leprince-Ringuet conçoit un nouveau quartier dans un style Art déco sobre, mêlant briques rouges et béton armé. Le beffroi, endommagé, est restauré et retrouve sa splendeur.

L'économie redémarre progressivement. Les sucreries et les usines textiles reprennent leur activité. Le commerce renaît autour des marchés hebdomadaires et des boutiques du centre-ville. Cambrai accueille des monuments commémoratifs : stèles, cimetières militaires britanniques et canadiens parsèment la campagne environnante.

Culturellement, les années 1930 voient l'essor du cinéma, de la radio et des loisirs ouvriers. Le musée des beaux-arts enrichit ses collections. Le football, le cyclisme et les bals populaires attirent les foules le dimanche.

Cependant, la crise économique mondiale de 1929 frappe durement Cambrai. Le chômage augmente, les tensions sociales s'exacerbent. Les ligues d'extrême droite et les partis de gauche s'affrontent dans les rues. La montée du nazisme en Allemagne ravive les craintes d'un nouveau conflit.

Seconde Guerre mondiale : occupation et libération (1940-1944)

En mai 1940, l'offensive allemande submerge les défenses alliées. Cambrai subit des bombardements de l'aviation, faisant des dizaines de victimes civiles. La ville est occupée dès le 18 mai. Pendant quatre ans, elle vit à nouveau sous la botte nazie : rationnements, censure, rafles de juifs et de résistants, déportations.

Malgré la terreur, une résistance s'organise. Des réseaux clandestins recueillent des renseignements, aident des aviateurs alliés à fuir, sabotent les voies ferrées. Plusieurs Cambrésiens payent de leur vie leur engagement dans la Résistance.

La libération de Cambrai a lieu le 2 septembre 1944, après de violents combats entre troupes américaines et arrière-garde allemande. La ville a moins souffert qu'en 1914-1918, mais des quartiers sont endommagés par les bombardements de 1944. Des cérémonies commémoratives rendent hommage aux libérateurs et aux victimes.

Reconstruction et modernisation (1945-1980)

L'après-guerre s'ouvre sur une phase de reconstruction matérielle et morale. Cambrai bénéficie du plan Marshall et des investissements publics. De nouveaux logements sociaux (HLM) sortent de terre dans les faubourgs. Les infrastructures (routes, eau, électricité) sont modernisées.

L'industrie textile décline face à la concurrence internationale, mais l'agroalimentaire (sucreries, biscuiteries, conserveries) prend le relais. Cambrai se diversifie : mécanique, métallurgie, logistique. La création de zones industrielles en périphérie attire de nouvelles entreprises.

Sur le plan urbain, les années 1960-1970 transforment le visage de la ville. Des immeubles modernes remplacent des îlots anciens. Un centre commercial ouvre en 1974. La voiture devient reine, obligeant à élargir les rues et créer des parkings.

L'éducation et la santé progressent. Le lycée Fénelon se modernise, un campus d'enseignement supérieur apparaît. L'hôpital est agrandi et équipé de services spécialisés. La culture n'est pas en reste : le conservatoire de musique, les associations théâtrales et les cinémas animent la vie locale.

Cambrai aujourd'hui : défis et dynamisme (1980-2025)

Depuis les années 1980, Cambrai fait face aux mutations économiques et sociales qui touchent l'ensemble des villes du Nord. La désindustrialisation frappe durement : fermeture d'usines textiles et de sucreries, montée du chômage, départ de jeunes diplômés vers les grandes métropoles.

Pourtant, la ville ne baisse pas les bras. Elle mise sur ses atouts : patrimoine historique riche, position géographique stratégique (autoroutes A1, A2, A26), cadre de vie agréable. Le label « Ville d'Art et d'Histoire », obtenu en 1992, valorise le tourisme culturel. Le beffroi, inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2005, attire des visiteurs du monde entier.

Cambrai développe de nouveaux secteurs : logistique (plateformes de distribution), services (centres d'appels, administrations), technologies numériques. Le campus universitaire s'étoffe avec des formations en gestion, informatique et santé. Des pépinières d'entreprises soutiennent l'entrepreneuriat local.

L'urbanisme privilégie désormais la réhabilitation du patrimoine ancien et la création d'espaces verts. La coulée verte, les jardins familiaux et les berges de l'Escaut aménagées offrent des lieux de promenade appréciés. Les quartiers populaires bénéficient de programmes de rénovation urbaine.

Culturellement, Cambrai est vivante. Festivals (BetizFest, Juventus), expositions au musée, concerts au théâtre, animations de rue rythment l'année. La tradition des géants Martin et Martine perpétue un folklore populaire ancré dans l'identité locale. Les Bêtises de Cambrai, produites artisanalement, restent l'ambassadrice gourmande de la ville.

Aujourd'hui, Cambrai compte environ 33 000 habitants. Elle rayonne sur une agglomération de 60 000 habitants et joue le rôle de pôle administratif, commercial et culturel du Cambrésis. Les défis sont nombreux – revitaliser le centre-ville, attirer de nouvelles entreprises, lutter contre la précarité – mais la volonté collective de faire vivre cette cité chargée d'histoire est intacte.

Ressources pour aller plus loin

  • La bataille de Cambrai (1917) – Récit détaillé de l'offensive de novembre 1917
  • Visiter Cambrai – Monuments, musées et patrimoine
  • Préparer votre visite – Informations pratiques
  • Société d'Émulation de Cambrai – Association savante locale publiant des études historiques
  • Archives municipales de Cambrai – Consultation sur rendez-vous